Christian Gilbert est tombé dans l’élevage comme d’autres sont tombés dans la potion magique. Mais à l’âge de raison, il a décidé de se tourner vers l’éco pâturage, une façon de vivre sa passion tout en garantissant le bien-être animal.
Fils d’éleveurs bovins, Christian Gilbert grandit dans l’exploitation familiale à Morannes-sur-Sarthe, une petite commune de Maine-et-Loire, aux confins de la Mayenne et de la Sarthe. Et lorsque vient l’heure d’effectuer un choix professionnel, l’élevage est pour lui une évidence. « J’ai toujours aimé ça ! » répond sans détour le sexagénaire quand on lui pose la question. Son BEP d’élevage en poche, il s’installe donc à Pruillé (49) où il prend la tête d’un troupeau qui comptera jusqu’à 500 moutons destinés à l’abattage. Et malgré une petite infidélité pendant laquelle Christian va travailler en usine, les choses auraient pu en rester là jusqu’à ce que sonne l’heure de la retraite.
Un credo : le bien-être animal
Au sommaire
- Une savoureuse coopération locale en Maine-et-Loire
- La race solognote
- Val-de-Reuil création ex nihilo
- L’Eure des retournements de situation
Sauf que l’éleveur finit par ne plus trouver son compte dans le système dans lequel il évolue. « Engraisser des agneaux pour les mener ensuite à l’abattoir, négocier les prix de mes bêtes avec les chevillards… En faire toujours plus pour faire gagner toujours plus à des personnes qui n’ont aucune considération pour mes bêtes si ce n’est de savoir combien elles pèsent, je ne me voyais plus continuer à exercer mon métier comme ça ». Alors quand la société Edelweiss qui se lance dans l’éco-pâturage en 2016, lui propose un poste de berger, Christian n’hésite pas. « D’autant que l’éco-pâturage, ce n’est pas que répondre à la demande d’une collectivité, d’un industriel ou d’un promoteur qui souhaite faire paître des moutons sur un terrain pour le désherber ou l’entretenir. D’ailleurs, je ne fais jamais de devis sur plan. Je me rends toujours sur place pour voir comment se présente le site, s’il n’y a pas de mauvaises herbes qui pourraient être dangereuses pour les animaux, combien on peut mettre de bêtes par rapport à l’espace dont on dispose… Et il m’arrive de dire non à un client si les conditions ne sont pas réunies. Ou de lui proposer des aménagements. Je préfère ne pas faire les choses plutôt que de les faire mal ».
En particulier si cela doit aller à l’encontre du bien-être animal dont le berger a fait son credo. « Même si ça prend du temps, j’essaie de passer au moins une fois par semaine sur chaque site, poursuit le berger. Pour voir si tout va bien. Quand il y a un mouton blessé, je le soigne. Mais un mouton en bonne santé, c’est aussi un mouton qui mange bien. Alors quand l’herbe se fait rare sur un site, je réduis le troupeau. Et quand, comme l’été dernier, on a une sécheresse importante et précoce, je n’hésite pas à rentrer les bêtes à la bergerie plus tôt. Normalement, c’est vers le 15 octobre et elles y restent jusqu’au 15 mars. L’an passé, on les a rentré mi-juillet. C’était beaucoup mieux que d’amener de l’alimentation sur les sites. Ce serait aller à l’encontre du principe de l’éco-pâturage » !
Les moutons meurent de leur belle mort
Désormais bien loin des préceptes de l’élevage intensif où une brebis qui n’a pas agnelé est juste bonne pour l’abattoir, Christian se fait une fierté de dire qu’une brebis qui n’a pas agnelé ira… paître avec ses copines. Chez Edelweiss, l’agnelage ne sert d’ailleurs qu’à protéger la race solognote menacée de disparition et à agrandir le cheptel en fonction des besoins. Et encore. Arrivées à l’âge de sept ans, les brebis ne sont en effet plus mises en reproduction et finissent paisiblement leur vie. « Parce que toutes les bêtes meurent chez nous, de leur belle mort » conclut le berger.
Jean-Pierre Chafes