Marais, tourbières, prairies… Capitales pour la biodiversité, les zones humides le sont aussi pour le cycle de l’eau. A Bretoncelles, dans l’Orne, l’aménagement d’un Espace naturel sensible permet de les préserver, tout en faisant de la pédagogie.
A première vue, c’est un sentier de randonnée tout ce qu’il y a de plus classique qui démarre près de la piscine et de l’aire de jeu de Bretoncelles, petite bourgade ornaise d’environ 1500 âmes. A première vue seulement. Une fois passé le pont de bois qui surplombe la Donnette, un petit cours d’eau, les promeneurs s’aventurent au sein d’un site classé à l’écosystème singulier, situé au cœur du Parc naturel régional du Perche.
Dans cet espace de 37 hectares s’étalant sur le domaine privé et public – dont une dizaine est accessible au public – les paysages se succèdent, entre vallées et marais. Les prairies enherbées côtoient mares pédagogiques, roselières, bois marécageux, megaphorbiaies*, magnocariçaies* ou encore saulaie. Au fil des pas, l’espace évolue, tantôt ouvert et lumineux, tantôt fermé et dense, jusqu’au confluent entre la Donnette et la Corbionne.
Alors qu’environ trois-quarts de la surface humide de la France a été asséchée et que, depuis 1700, 21% de la surface mondiale de zones humides a disparu, la municipalité de Bretoncelles a pris le contrepied. Là où trônait, entre autres, un champ de maïs, elle a décidé, il y a une dizaine d’années, de préserver et de valoriser ce site, composé de zones humides.
« L’objectif initial était de créer un espace protégé de biodiversité. Le conseil départemental nous a préconisé de faire un Espace naturel sensible (ENS) », indique le maire de la commune Daniel Chevée. Les ENS, gérés par les Départements, vise à préserver les paysages, les habitats naturels et à prévenir les risques d’inondation, en sauvegardant les champs naturels d’expansion des crues.
Un lieu aux multiples casquettes
La Donnette s’écoule tranquillement au milieu de cet espace sensible. Crédit Toinon Debenne – GA presse
« Cet Espace naturel sensible permet de faire de la rétention d’eau en cas d’inondation, poursuit l’édile. Des milliers de mètres cubes peuvent y être stockés. Si la rivière déborde malgré tout, elle le fait sur une dizaine d’hectares plutôt que sur des lotissements habités. C’est important de préserver cette bague de rétention. »
« Les zones humides ont en effet des fonctions hydrologiques majeures », confirme Aurélie Tran Van Lhoc, chargée de mission au sein du pôle environnement du Parc naturel régional du Perche. « Elles régulent les débits lors des gros orages, captent l’eau de façon progressive et rechargent les nappes. » L’été, elles déchargent cette eau et alimentent les cours d’eau. Ces milieux atténuent aussi les événements extrêmes – en retardant les effets de la sécheresse, en réduisant les effets des tempêtes, en rafraîchissant l’atmosphère lors des fortes chaleurs. Elles sont, de plus, utiles pour stocker du carbone.
Alors qu’ils tendent à disparaître au profit de l’urbanisation et de l’agriculture, les milieux humides ont également un rôle épuratoire et sont reconnus pour accueillir une riche biodiversité, avec une faune et une flore spécifiques, entre milieu aquatique et milieu terrestre, explique Aurélie Tran Van Lhoc. « Ce qui saute le plus aux yeux depuis la création du site, c’est la présence accrue de libellules. On compte ici plus d’une vingtaine d’espèces », illustre Daniel Chevée. Selon la commune, près de 270 espèces animales et végétales évoluent sur le site, comme l’écrevisse à pieds blancs, le rossignol philomèle ou encore la vipère péliade.
Un terrain de jeux naturel. Crédit Toinon Debenne – GA presse
En ce dimanche matin de juillet, un joggeur parcourt le sentier avec son chien tandis qu’un cycliste profite d’un ponton pour faire une pause et observer le bord de la mare. A Bretoncelles, le public s’est emparé du lieu où ont été aménagés un circuit découverte et un circuit accessible aux personnes à mobilité réduite. Au total, l’aménagement du site se chiffre à environ 500 000€, financés par la Région et le Parc.
Au fil des ans, l’espace est devenu « un outil pédagogique très important », indique Daniel Chevée. Notamment pour l’école maternelle située en bordure du site. « On sait que l’éducation et la sensibilisation à la biodiversité ont une importance essentielle. Les enseignants sont partants et le lieu y contribue. » Désormais, le lieu sert même de support aux rencontres entre les enfants et les pensionnaires de la maison de retraite, située un peu plus loin.
Afin de préserver et faire connaître les spécificités patrimoniales, un rucher conservatoire de l’abeille noire du Perche, plus résistante aux maladies et intempéries, y est installé, administré par l’Union apicole ornaise. Un verger pédagogique géré par l’association Bretoncelles patrimoine et nature et soutenue par l’association Les Croqueurs de pommes a également vu le jour. L’objectif ? Conserver les arbres fruitiers de l’Orne et les variétés locales anciennes de pommes et de poires et initier le public aux techniques de greffes et de tailles des arbres. Une manière de continuer à transmettre tout en préservant ce lieu singulier.
L’espace naturel sensible de Bretoncelles
Lexique:
Megaphorbiaie : une friche humide composée de grandes herbes, avec des végétaux hétérogènes
Magnocariçaie : lieu où grandissent les grands carex, des plantes à tiges souvent triangulaire, à feuille souvent coupantes, aux fleurs en épis
Saulaie : lieu où sont plantés les saules