De plus en plus de collectivités choisissent d’organiser elles-mêmes les conditions de production de fruits et légumes pour fournir la restauration collective, en créant des fermes municipales. Une manière de répondre à l’absence de maraîchage local et de protéger des terres agricoles. Eclairage avec Inès Revuelta, animatrice-coordinatrice de l’association Un plus bio, qui travaille avec les élus sur la question de l’alimentation bio et locale.
Inès Revuelta, animatrice-coordinatrice de l’association Un plus bio, travaille sur les questions d’alimentation en lien avec les collectivités. (Crédit photo : Un plus bio)
Ungersheim, Grande-Synthe, Epinal, Cussac Fort Médoc… Une vingtaine de villages et villes en France ont opté pour la régie agricole afin de fournir les cantines. A quelles problématiques alimentaires les collectivités souhaitent-elles répondre?
Bien souvent, la régie agricole [un modèle où la production d’alimentation bio et locale est gérée par la commune, ndlr] répond à l’absence de maraîchers sur le territoire, généralement due à l’urbanisation et aux prix très élevés du foncier, ou à la présence de zones de monoculture.
Ensuite, les marchés publics sont soumis à une réglementation européenne qui interdit de privilégier des critères géographiques. Les collectivités ont certes des voies de contournements – en commandant de tous petits lots par exemple – mais cela ne facilite pas l’approvisionnement local.
D’autre part, la mise en place d’une régie vient parfois d’opportunités d’acquisition du foncier. Des communes en milieu rural ou périurbain prennent conscience qu’il s’agit parfois du dernier recours avant l’urbanisation. Cela leur permet de protéger des terres agricoles et de leur redonner une fonction nourricière.
Enfin, ce modèle répond, pour les collectivités, à un besoin de rapidité et de maîtrise du processus d’alimentation de A à Z, de la production à la cantine.
Quels principaux enseignements tirez-vous des différentes expériences hexagonales?
La régie agricole était perçue, au départ, comme un outil de production mais nous nous sommes rendus compte qu’elle était autant éducative que productive. Elle permet une reconnexion des enfants au monde agricole et devient un support pédagogique alors que les programmes et
les moyens sur l’éducation à l’alimentation sont très faibles au niveau de l’Education nationale.
Ce modèle permet aussi une montée en compétence des collectivités en matière d’alimentation. Des informations sont désormais disponibles sur les coûts et les investissements et les collectivités se sentent moins seules. L’expérience montre aussi que les coûts de fonctionnement, avec un ou plusieurs salaires à la charge de la collectivité, du matériel à acheter, ne sont pas neutres et que le travail de coordination est important. Le salariat peut constituer un changement important pour un agriculteur avec l’esprit d’entreprise. Dans le même temps, cela lui garantit un salaire fixe à la fin du mois.
La régie agricole ne peut être dupliquée partout. Quels sont les autres modèles?
Chaque territoire a des besoins différents. Certaines collectivités décident de mettre à disposition du foncier, des baux ruraux, auprès des maraîchers, dans l’objectif de développer une alimentation bio et locale dans les établissements scolaires. La difficulté ? On ne peut pas vraiment contraindre les agriculteurs à approvisionner les cantines. Le travail d’animation à réaliser entre la collectivité et le maraîcher est conséquent.
L’autre modèle, encore peu répandu mais qui se développe, c’est la Scic, la Société coopérative d’intérêt collectif. La collectivité possède des parts dans une société coopérative agricole jusqu’à 50 %, comme à Chateauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes). C’est aussi une manière d’avoir des outils économiques au service du territoire.