Invoquant de résoudre tous nos maux planétaires, l’industrie de la viande dite cellulaire ou de culture installe ses marqueurs aux quatre coins de la planète pour lancer cette alternative à grande échelle. Le point sur les avancées de ce nouveau blockbuster alimentaire.  

Sèvremoine, 15km de Cholet dans le Maine et Loire. Ici, siègent les bureaux de Vital Meat, société créée en 2018 déjà, incubateur d’un procédé révolutionnaire de culture de viande cellulaire de poulet.  La société est hébergée par la maison mère Grimaud, groupe spécialisé dans les productions animales (canard, lapin, poulet, porc, crevettes…), et depuis vingt ans dans les biotechnologies (santé humaine et animale). Avec une forte propension à travailler sur les sélections génétique de poulets de chair, ou porcine, le groupe qui pèse 490 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, s’est ouvert aujourd’hui à 18 filiales dans 50 pays sur ce marché et n’a pas résisté à la tentation de ce nouvel eldorado, la viande cellulaire. Associé à Etienne Duthoit, ancien consultant chez Ernst & Young, cabinet d’audit financier et de conseil, qui prend sa tête, Vital Meat devient la start-up dont tout le monde cause pour l’avenir agricole et la souveraineté alimentaire. Mais de quoi s’agit-il véritablement ?

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Viande cellulaire, in vitro, de culture ou pas de viande du tout?

 Il s’agit dans ce cas précis d’une cellule d’origine animale dans un œuf fécondé de poule qui se multiplie dans une solution nutritive, de sel, d’acides aminés, des minéraux, de vitamines et de sucre. Au fur et à mesure que les cellules se multiplient, elles sont placées dans des contenants de plus en plus grands, pour finir dans des cuves en inox. Le produit final ressemble plus à une pâte de poulet qu’à un poulet lui-même, facile à intégrer dans des ingrédients transformés comme les nuggets, les salades, les cordons-bleus. Du sur mesure pour une consommation déjà pré-machée.

 

 

Le principe est le même pour la viande bovine ou porcine, on prélève des cellules souches sur un animal par biopsie et on cultive le milieu de la même façon, quasi fermentaire, en y adjoignant toutefois du sérum de foetus de veau, aujourd’hui indispensable pour arriver à un résultat proche de la viande. L’état de la recherche de ces industries en sont encore à ce stade quoiqu’ils en laissent penser de leurs avancées.

Ou il est question de transparence dans la recherche

 Jean-François Hocquette, chercheur à l’INRAE, travaille sur la biologie du muscle, la génomique et les préférences des consommateurs en rapport avec la qualité de la viande bovine, et ce depuis 1999. Pour lui, le procédé ne tient pas la route, du moins pas encore: « Les entreprises privées qui revendiquent produire de la viande cellulaire ou dite in vitro ou de culture, sont dans une situation où elles font parler d’elles et réalisent un bel exercice de communication. Malheureusement, ce type de recherche n’est pas aussi développé et les résultats sont beaucoup plus nuancés que les rêves promis. Il faut modérer tout ce que les entreprises avancent comme résultat notamment en terme de qualité sanitaire. C’est une logique commerciale qui se met en route et ce sont des millions en jeu. »

Et d’enjeux économiques énormes autour du sujet

 Parce qu’en effet, les enjeux sont énormes. En juin dernier, le ministère américain de l’agriculture (USDA) a approuvé la production et la vente de viande de poulet par deux entreprises : Upside Foods et Good Meat. La décision de l’USDA fait des États-Unis le deuxième pays, après Singapour, à légaliser ce procédé et plus de 150 entreprises développent ce type de viande, ce qui représente un investissement de 896 millions de dollars (800 millions d’euros) pour la seule année 2022.
Ainsi, tout ce beau monde détient la solution contre l’impact climatique que représente l’élevage dans le monde avec ses émissions de 15% des gaz à effet de serre pour plus de 70% 

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de la surface agricole utile. Mais est-ce bien sûr que cette industrie de science-fiction soit une, voire la  solution pour sauver la planète?

Quid des impacts environnementaux?

 Une étude menée en 2011 par l’Université d’Oxford avait en effet mesuré l’impact sur l’environnement de la production de viande cellulaire comme positif par rapport à l’élevage industriel, mais depuis en 2015, 2019 et 202, toutes les recherches disent le contraire: «  Le coût environnemental de cette production se mesure en gaz à effet de serre et tant qu’il n’existe pas d’usine à grande échelle pour faire de la viande in vitro, pondère Jean-François Hocquette, pour l’instant nous ne sommes que sur des modèles abstraits qui simulent une réalité. Les conclusions ne sont donc pas robustes scientifiquement. On sait qu’il faut davantage d’énergie pour faire de la viande de culture que prévu. »

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Une question militante en réalité

 S’affranchir de la dépendance de et aux animaux fait partie des raisons invoquées majoritairement pour faire basculer notre économie nutritionnelle vers les protéines végétales qui existent déjà sur le marché – qui est une autre industrie croissante notamment aux Pays Bas -, et vers ces viandes de culture. C’est le discours dominant, notamment chez les militants du parti animaliste prônant ces alternatives afin de se passer de tuer des animaux. Mais aussi dans les courants de pensée des ONG environnementalistes qui gagne l’opinion publique.

Jean François Hocquette observe « qu’il faut certes réduire la consommation animale puisqu’aujourd’hui les 2/3 de nos apports en protéines sont de la viande, qu’il faut réduire à 50% à minima en rajoutant les facteurs nutritionnels et environnementaux.
Le statut quo n’est pas tenable dans l’absolu, il faut observer un panel de solutions pour répondre à cet enjeu de nourrir la population mondiale croissante en réduisant l’impact environnemental, tout en assurant un bien être des animaux et produire des laits et viande de qualité. Mais ce n’est pas la viande cellulaire qui sortira le monde de l’ornière .»

En réalité, le miroir aux alouettes que représente la viande cellulaire fait partie des solutions les plus tentantes pour la société publique, qui ne souhaite pas changer de paradigme de vie. Or, c’est aussi celle qui demande le plus d’investissements tant pour la recherche que pour répondre à toutes les questions sanitaires, et d’éthique évidemment.

D’ailleurs, à cet égard le Sénat a publié un rapport le 15 mars 2023 sur les questions stratégiques et sociétales liées à la viande cellulaire. A l’issue d’une quarantaine d’auditions, le rapport souligne que cette viande cultivée  « ne sera pas dans nos assiettes avant au moins 2025. Pour autant, il faut se positionner dès aujourdhui ». Olivier Rietmann, sénateur (LR) et co-rapporteur de cette mission d’information conclue :  « Nous sommes dans une période charnière. Pour l’heure, en France, toutes les avancées sont privées. Il faut investir de l’argent public dans les recherches en y associant le CNRS et l’Inrae. »