Donner un accès à la paysannerie en Île-de-France
Après une heure de marche, nous entrons dans un village avec le troupeau. En tête, une vieille chèvre de sept ans – la doyenne de l’équipe – donne le rythme. J’aperçois, derrière les portails de la rue principale, des personnes âgées observer, émerveillées. Certaines hurlent « Bravo ! » et sourient, les yeux embués. Des familles aussi, des enfants qui voient des brebis et des chèvres pour la première fois, s’arrêtent, stupéfaites par ce défilé inattendu. Ces moments quasiment disparus du monde qu’on propose à ma génération me rappellent pourquoi je veux lutter pour la survie et la poursuite de la paysannerie aujourd’hui. Malheureusement, la justice sociale et écologique ne passera pas seulement par la beauté et l’émotion, car ce n’est pas une image d’Épinal qui nous nourrira, mais bien un véritable changement politique. Pourtant, je suis persuadée que cette part de beauté paysanne a son importance.
Alors qu’elle faisait encore partie du quotidien péri-urbain de nos grands-parents, cette agriculture d’il y a à peine quelques décennies revit là sous nos yeux. Ces métiers raréfiés par des choix politiques privilégiant le profit et l’industrie nous rend pourtant plus heureux aujourd’hui. C’est en se plongeant dans ces gestes éprouvants mais beaux pour l’avenir qu’on ira mieux. Même si on a mal aux jambes, même si on a froid, même si c’est dur.
En rencontrant Olivier et Sonia, je me suis demandée : me sentirais-je capable de vivre cette vie nomade ? Je ne crois pas. Il faut peut-être être un peu fou pour faire ça à notre époque, mais pourquoi pas ? En écrivant ces lignes je me souviens de ce que me disait un maraîcher il y a peu : le paysan qui tient le coup se situe quelque part entre la rigueur et la folie.