Crédit photo: Toinon Debenne
Si de fortes disparités demeurent selon les filières, les jeunes femmes sont de plus en plus nombreuses dans l’enseignement agricole. Au lycée agricole de Montoire-sur-le-Loir, Justine Gruwez s’est découvert une vocation et envisage de s’installer. Tout comme son amie et camarade, Maiwenn Hennebel qui, après avoir subi le sexisme dans la filière laitière, a appris à s’affirmer.
« J’en avais marre d’être assise tout le temps sur les bancs de l’école. J’avais envie d’être dehors, de sortir, de voir les animaux, d’être dans la nature. Et je me suis dit : pourquoi pas partir en bac pro agricole. »
Justine Gruwez, 18 ans, étudiante en terminale, se tient debout. A ses côtés, Maiwenn Hennebel, une amie et camarade de classe, et Marie-Ange Haudebert, une ancienne agricultrice à la retraite. Devant elle, des collégiens de quatrième, à qui elle raconte son quotidien d’élève au lycée agricole de Montoire-sur-le-Loir (Loir-et-Cher).
« On a des matières techniques pour apprendre à faire des piqûres, à peser les aliments, à se comporter avec les animaux, de l’agronomie, de l’agroéquipement, de l’économie… »
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Casser les stéréotypes
En cette journée d’avril, l’établissement accueille le Printemps des transitions. L’événement promeut les métiers agricoles auprès de collégiens du nord du département. Une classe découvre le métier d’apiculteur. Un autre groupe s’attèle à un escape game.
L’atelier sur les agricultrices a pour objectif de casser les stéréotypes, de montrer que les femmes peuvent exercer des professions agricoles et de donner un modèle, une représentation, aux plus jeunes, alors que la profession demeure très masculine.
« La représentativité, les témoignages de femmes qui travaillent dans le milieu agricole, c’est essentiel, note le proviseur Maxime Barbot. On essaie de travailler autour de la discrimination, de lutter contre les préjugés. »
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De plus en plus d’étudiantes
Dans la salle, les collégiens écoutent. Quelques-uns s’aventurent à poser des questions. « Ce n’a pas toujours été rose, les vêlages qui se passent mal, nos vaches chouchoutes qui partent à l’abattoir. Mais j’ai vécu des levers de soleil magnifiques », raconte Marie-Ange Haudebert, agricultrice, avant de demander : « Qui aimerait poursuivre en lycée agricole après le collège ? ». Six élèves lèvent la main : trois filles et trois garçons.
Les étudiantes sont de plus en plus nombreuses dans l’enseignement agricole français, qui s’est constitué historiquement en référence au modèle de la complémentarité fondé sur une socialisation différentielle pour les filles et les garçons, comme le souligne la chercheuse en sciences sociales et études sur le genre, Sabrina Dahache.
Des disparités qui demeurent
En 2023, les filles représentaient 44% des effectifs des élèves, des apprentis et des étudiants de l’enseignement agricole technique et 61 % de l’enseignement supérieur agricole long (études agronomiques, vétérinaires et de paysage). Contre 20 % seulement en 1975.
Derrière ces chiffres se cachent toutefois de grandes disparités. Les filières restent encore genrées : les garçons sont plus nombreux dans les domaines d’agroéquipements ou d’aménagements paysagers ou encore, post-bac, dans les études d’ingénieurs. A l’inverse, les filles sont plus présentes dans les formations de services aux personnes et animation dans les territoires ou dans les études vétérinaires.
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« Et pourquoi pas exploitante agricole ? »
A Montoire-sur-le-Loir, on compte 130 lycéens et 40 apprentis, dont 30 % de jeunes femmes environ. « Quand on est arrivées ici, on s’est dit que ça allait être galère, car il y a beaucoup de garçons », explique Justine Gruwez, qui comptabilise une demi-douzaine de lycéennes dans sa classe de dix-neuf élèves. Pourtant, la scolarité se passe plutôt sereinement. La nouvelle génération faisant preuve de moins de stéréotypes, estime-t-elle.
La jeune femme qui pensait, à son entrée dans l’établissement, devenir ostéopathe animalière, a envie d’embrasser la profession. « On a été tout de suite dans le bain à la ferme, on a rencontré des agriculteurs et j’ai changé d’avis, poursuit-elle. Je me suis dit “Et pourquoi pas exploitante agricole ?” » Elle se projette désormais à la tête d’un élevage caprin.
La confrontation au sexisme
Maiween Hennebel, quant à elle, songeait à devenir soigneuse animalière. Elle rêve à présent de s’installer en polyculture avec des vaches laitières. Les débuts n’ont pourtant pas été faciles. « L’univers bovin est un monde sexiste, souligne-t-elle. Ce qui m’a fait tenir, ce sont les vaches. »
A 18 ans, elle a déjà vécu de nombreuses déconvenues. Parce que femme. « En seconde, le premier stage n’est pas parti du bon pied. J’ai dû arrêter au bout d’une semaine. L’exploitant ne m’a confié que du nettoyage. Ensuite, je suis parti à la recherche d’un autre patron. J’en ai rencontré un qui ne m’a pas pris mais qui a embauché un garçon juste après. »
Parce que plus petite, plus fine, elle est jugée moins compétente. « Il y a ce truc des “grosses bêtes”, les hommes se sentent forts, ajoute son amie Justine. Alors qu’on en a vu des garçons se faire trimballer par des vaches. »
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« Maintenant, on fait appel à moi »
Maiwenn Hennebel se voit contrainte de changer son projet et part en stage dans une exploitation caprine. « Au début, l’éleveur pensait que ce n’était pas possible. C’est sa femme qui a insisté. »
Puis, quelques temps plus tard, une agricultrice lui ouvre ses portes de son exploitation laitière. Elle doit toutefois se déplacer jusqu’en Bretagne pour réaliser ce stage. « Ce sont les femmes qui m’ont pris en stage, qui m’ont donné ma chance. […] Et maintenant que j’ai fait mes preuves, on fait appel à moi. »
De cette expérience, la jeune femme a appris à s’affirmer, à se faire confiance et à ne plus toujours écouter les autres. Les deux amis comptent bien poursuivre leur voie et, à terme, créer leur ferme. En attendant, une fois le bac en poche, elles ont prévu de poursuivre leurs études avec un BTS analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole.
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Bonjour, et merci pour vos articles que je découvre depuis peu.
Ne pensez vous pas qu’il faudrait remplacer les termes « exploitante et exploitant » par cultivatrice et cultivateur?
Exploiter est lourd de sens.
Merci pour vos suggestions fort à propos. Paysan-paysanne serait encore plus approprié si on compte aussi sur les éleveurs et éleveuses qui souhaitent accompagner des troupeaux….Il reste ici beaucoup de choses et de gens à moins exploiter !