« J’y ai attendu de mes 15 à 18 ans pour aller au lycée à Angers », témoigne Benjamin, la trentaine. Lui attendait chaque matin dans une commune du sud d’Angers. « Je mettais mon réveil à 5h50, je prenais le car à 7h. Comme j’habitais à trois kilomètres de l’arrêt, ma mère ou mon père m’emmenaient en caisse. Lui faisait les 2 x 8. Parfois, il bossait jusqu’à 21h et le lendemain matin, il ne pouvait pas faire la grasse mat’ et devait m’emmener. Je pense que c’était encore plus dur pour lui que pour moi… » Le soir, il revenait à 19h. « C’était de bonnes journées quand j’y pense… »
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Selon une étude conjointe de l’Institut Terram, Chemins d’avenirs et de l’Ifop publiée en mai, « les kilomètres sont lourds de conséquences sur le quotidien des jeunes ruraux ». La population étudiée, âgée de 15 à 29 ans, passe « en moyenne 2h37 dans les transports chaque jour ». « C’est 42 minutes de plus que pour les jeunes urbains majeurs », note l’étude qui souligne que « les transports en commun ne permettent pas de compenser l’éloignement : 53 % des jeunes ruraux déclarent être mal desservis par le réseau de bus, contre seulement 14 % chez les jeunes urbains ». Conséquence : « Lorsqu’ils ne peuvent pas parcourir une certaine distance, les jeunes ruraux en viennent à se priver. » Causalité ou corrélation, l’étude rappelle que « les entraves à la mobilité des jeunes ruraux alimentent le vote en faveur du Rassemblement national (RN) ». Au premier tour de la présidentielle de 2022, 39,6 % des jeunes ruraux ont voté pour le Rassemblement national. Soit plus du double des jeunes urbains.