Isolée géographiquement dans le nord du Loir-et-Cher, le village de Mondoubleau fait face à une population vieillissante et ne compte que 11 % de jeunes entre 15 et 29 ans. À l’occasion d’une journée d’été, Les Champs d’ici part à leur rencontre et revient sur leurs aspirations.
En cette fin de mois de juillet, les vacances scolaires battent leur plein. La chaleur de l’été se fait sentir. Sur la place principale, les agents municipaux préparent les installations pour la fête de village du lendemain.
Perdu dans le nord du Loir-et-Cher, le village percheron de Mondoubleau, 1 300 habitants, est au centre d’un territoire éloigné de toute agglomération importante. Il faut compter une trentaine de minutes pour rejoindre la ville de Vendôme (sous-préfecture de plus de 16 000 habitants), quarante-cinq minutes pour se rendre à Châteaudun (sous-préfecture de l’Eure-et-Loir de 13 000 habitants) et plus d’une heure pour atteindre Le Mans (préfecture de la Sarthe de 145 000 habitants).
Peu de jeunes habitants
Le territoire rural vit, en quelque sorte, de manière autonome, avec de nombreux services, de nombreuses manifestations sportives, culturelles et festives, et même un tiers-lieu, qui abrite un espace informatique, une librairie et un office de tourisme. Un village plutôt dynamique, en somme.
Pour autant, à l’instar de nombreux villages ruraux, les problématiques ne manquent pas : manque de transports en commun, vétusté de l’habitat et logements vacants, difficulté de transmission des commerces ou encore le manque de médecins généralistes.
Et surtout, une population toujours plus vieillissante : « 50 % des habitants ont plus de 60 ans, explique le maire, Jean-Claude Thuillier. Notre enjeu, c’est de gagner une population jeune. » Les habitants âgés de 15 à 29 ans, eux, représentent un peu moins de 11 % de la population.
Des jeunes attachés à leur territoire
Il ne faut pas aller très loin pour trouver des jeunes attachés à leur territoire. Medhy Noufel, 22 ans, couvreur, est attablé à un café avec son ami Johann Adelle, 24 ans, ouvrier. « On est mieux qu’à la ville. On a grandi ici, on a des connaissances. Et on peut faire différentes activités : pêche, motocross, jeux vidéo », explique le premier, père de famille, qui compte bien rester sur le territoire. « J’ai ma micro-entreprise et j’aimerais bien un jour embaucher. »
Sur la même place, près de l’église, Lucas, 18 ans, de Baillou, et Sorenza, 17 ans, de Choue, deux villages voisins, rejoignent leur voiture. Même s’il « n’y a rien de proche autour » et que leurs amis ont quitté la campagne – « On est vraiment les seuls dans le coin » – le jeune couple fait partie de ceux qui ne se voit pas déménager.
« On est tranquille, on est au calme », souligne la jeune femme. « Ici, à la campagne, il y a du terrain, de quoi s’occuper. On a toujours à faire », ajoute le jeune homme.
Lui est en apprentissage dans les travaux publics « à Tours. Mais c’est trop grand, il y a trop de monde », souligne-t-il. Elle recherche un emploi dans un rayon d’une trentaine de kilomètres. « Les entreprises ont du mal à embaucher des débutants », déplore-t-elle.
Le travail, question centrale
La question de l’emploi constitue un enjeu majeur pour les jeunes ruraux. Pour y répondre, la municipalité, retenue lors d’un appel à projet régional, prévoit d’ouvrir un tiers-lieu de compétence, sur une ancienne friche. Ouvert à tous, et donc aux jeunes, l’espace devrait voir le jour fin 2024 – début 2025. Une salariée a déjà été embauchée.
« L’idée principale, c’est de s’orienter vers la formation, la compétence, le transfert de compétences, avec beaucoup d’échanges et d’ateliers », explique le maire. Les partenaires seront nombreux : chambres de commerce et d’industrie, des métiers et de l’artisanat, d’agriculture, mais aussi Mission locale, BGE (réseau entrepreneurial), ou encore associations environnementales et de sauvegarde du patrimoine rural.
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Avoir des formations sur le territoire devrait permettre de s’adapter aux besoins des entreprises du secteur mais aussi donner la possibilité aux jeunes de rester, estime le maire. « Car un jeune qui part en formation ne revient pas. »
Reste ensuite à travailler la question du logement. « On a quand même un bassin d’emploi, mais beaucoup de personnes qui travaillent dans les usines vivent à l’extérieur. On n’est pas assez attrayant sur le logement. Même si les prix ne sont pas chers, notre habitat est assez vétuste. »
Faire revivre des espaces pour les ados
Du côté du gymnase, près du stade de foot, des ados, accompagnés d’enfants du centre de loisirs, écoutent attentivement les consignes des moniteurs. Ils s’apprêtent à démarrer une initiation d’escalade, une des nombreuses activités proposées pendant l’été, par Méril Jacquette.
La directrice de l’accueil de loisirs et de l’espace de vie sociale tente de développer des nouvelles activités pour les adolescents (jusqu’à 17 ans). Elle a notamment comme volonté de faire revivre la maison des jeunes, située dans l’ancienne gare, à côté de France services, après que la pandémie de Covid-19 ait contribué à la dissoudre.
Depuis, « les enfants quittaient le centre de loisirs et n’avaient plus rien, explique-t-elle. L’idée est de constituer un noyau d’ados et de les solliciter pour qu’ils puissent mettre en place leurs activités et en être acteurs. »
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Des jeunes qui découvrent le territoire
La journée d’été suit son cours. Certains sont juste de passage pour quelques minutes ou pour l’été. Près de la pharmacie, Gabriel, 17 ans, originaire de la banlieue ouest de Paris, et reconnaissable grâce à son uniforme de scout, fait une incursion, en terre mondoublotière.
« On campe à côté à quelques kilomètres de là », explique-t-il. Lui s’apprête à parcourir 80 km pendant trois jours, sans carte ou camarades à ses côtés. Le garçon qui se rêve pilote se plaît à traverser ce territoire. « J’aime la nature, les buses, les serpents. Ici, je me sens déconnecté », assure-t-il, avant de reprendre tranquillement son chemin.
Cassandre Atiama, 21 ans, elle, vient de finir sa journée de travail au Super U, seul supermarché du coin. Elle aussi découvre le territoire, à l’occasion d’un job d’été. La jeune femme a terminé ses études à Limoges et prévoit de les poursuivre à la rentrée à Blois. « Les clients sont adorables. Les hôtesses d’accueil et de caisse, super gentilles avec moi. Tout le monde prend le temps et j’ai vite été intégrée. Je ne regrette pas d’être venue ici. »
D’autant plus que la jeune femme a revu sa vision de la commune. « Avant, je pensais que c’était un petit village, avec beaucoup d’agricultures et de personnes âgées et j’ai été surprise. J’ai rencontré des étudiants, des jeunes qui cherchent du travail, des ados aussi. Bon, il n’y a pas énormément de choses ouvertes quand on sort du travail », reconnaît-elle.
Le transport, autre enjeu
De l’autre côté de la route, à Gamm vert, Cassandra Ferrand, 20 ans, tient la caisse et attend patiemment le client. Les rayons sont vides. Le temps comme suspendu. « Il n’y a de moins en moins de choses ici, décrit la native du village, un brin désabusée. En général, les jeunes ne restent pas et partent tout de suite. À un moment, c’est ce que je vais faire, partir à côté d’une grande ville. Je ne dépendrai de personne. Car je n’ai pas le permis. »
Ici, la voiture est obligatoire, confirme le maire de la commune. Car pour ceux qui ne l’ont pas, il faut jouer de la débrouille : demander à ses proches, prendre le vélo ou le scooter. Les transports en commun, eux, sont quasi-inexistants. « Nous essayons de modifier les lignes de bus afin qu’elles soient plus directes car ces derniers battent toute la campagne avant de rejoindre Vendôme. Les lycéens, par exemple, doivent partir à 6h10 et revenir à 19 h. »
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Beaucoup de jeunes sont d’ailleurs internes, en raison de l’isolement géographique. À l’instar d’Éloise, 17 ans, habitante de Couëtron-au-Perche, à quelques kilomètres de là, et scolarisée à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). « Les amis du collège, je les vois une fois lors de chaque vacances. C’est beaucoup plus difficile de garder le lien à la campagne. Mes amis sont à Chartres, à Nogent, éparpillés. »
S’engager sur le territoire
À l’issue de sa scolarité, l’adolescente envisage de partir quelques années pour étudier avant, peut-être, de revenir. En attendant, et malgré la distance avec son lycée, elle s’engage depuis deux ans au conseil d’administration de La Maison botanique, une association locale d’éducation à l’environnement.
« C’était logique. J’y allais pendant toute mon enfance car ma mère était aussi au conseil d’administration. Cette expérience grandit beaucoup. On apprend comment fonctionne une association. » La tâche reste fatigante, prenante. « Travailler en tant que bénévole, ça peut être envahissant. » À la fin de sa semaine, elle enchaîne parfois le vendredi avec un CA de quelques heures.
De son côté, Tom Rouillon, 21 ans, pourtant réservé, prend aussi parfois de son temps pour faire des animations autour des oiseaux ou de la nature afin de sensibiliser le grand public. « Peu de jeunes s’impliquent ou s’intéressent à l’environnement », regrette-il.
Le jeune homme travaille actuellement dans le village, en CDD, auprès de Perche Nature, une association créée dans les années 1980 pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité. « Face aux catastrophes écologiques, je voulais faire un métier utile », raconte-t-il.
Après un stage dans l’association, lors de son BTS gestion et protection de la nature, il y a quelques années, puis un service civique et désormais un CDD, le jeune homme continue en y effectuant son alternance à la rentrée, en licence d’entomologie à Orléans (Loiret). Originaire d’un petit village, Saint-Hilaire-la-Gravelle, à une trentaine de kilomètres de là, il aimerait bien rester sur le territoire. « Sinon, je m’imagine bien dans le Limousin, un coin campagnard où la nature est bien préservée. »
Revenir après ses études
Dans l’agence Crédit Mutuel du village, Maxime Leroy, 22 ans, originaire de Couëtron-au-Perche à quelques kilomètres de là, est plongé dans ses dossiers. Parti en Maison familiale rurale à Beaumont-les-Autels (Eure-et-Loir), en BTS à La Ferté Macé (Orne), puis en licence à L’École supérieure des agricultures d’Angers (Maine-et-Loire), il a fait le choix de revenir et travaille depuis trois ans pour la banque.
« J’ai fait des études agricoles, donc j’ai voulu continuer dans cette voie-là », souligne le chargé d’affaires agricoles, fils d’agriculteur. « C’est un mode de vie. J’ai toujours vécu en milieu rural, sans difficulté particulière. J’ai des racines agricoles, des amis enfants d’agriculteurs. Si je devais bouger, ce serait plus par rapport à des opportunités de carrière. »
Pour lui, la ville et le territoire offre de quoi « s’amuser ». « Il y a quand même des activités, les comités des fêtes, etc. On n’a pas les boutiques à côté, si on veut faire du bowling, du karting, il faut aller au Mans, mais on a quand même la fibre », plaisante-t-il, alors que la journée, elle, touche à sa fin.