A l’heure où la planification écologique fait florès, avec conversion électrique accélérée des mobilités quotidiennes, à l’heure où la planification territoriale s’ouvre à la sobriété foncière par quelques dispositions récentes visant à réduire l’artificialisation, une option, pourtant de longue date entrouverte, n’est jamais mise en débat : repeupler les campagnes pour retrouver un peu le sens des limites. Il est vrai que, comme décrit dans Indécence urbaine notamment (Climats-Flammarion), l’urbanisation et plus encore la métropolisation des cinquante dernières années sont un moteur puissant du développement productiviste, que ce soit par la construction y compris dans les espaces périurbains, ou par l’agriculture sommée d’accroître ses rendements à des fins d’alimentation des grandes densités. Ré-enchanter nos sociétés par des ruralités autrement converties à l’écologie, voilà bien une hérésie pour les pensées porteuses de notre félicité par l’urbain.

Et pourtant, les populations n’ont jamais tant eu de difficultés à être logées dans les grandes villes grossissantes alors même que plus de 2,5 millions de logements sont vacants dans les ruralités. L’accès à l’alimentation est posé depuis les grandes agglomérations du fait de la fin programmée des énergies fossiles, alors même que 40 % des ménages ruraux disposent déjà d’un potager et que si l’on soustrayait seulement 20 % des surfaces à l’agriculture industrielle, il y aurait de quoi nourrir tout le monde, mais autrement et à partir des petites villes de proximité, bourgs et villages. Et ainsi de suite pour les parcelles forestières, la ressource en eau, les matériaux de construction bioclimatique… Cela tombe bien puisque la l’hyperdensité n’a jamais été autant critiquée par les Français (et dans d’autres pays également), et puisque nous en sommes à la 7ème vague de néo-ruralité depuis les années 1960, avec pour fait remarquer des installations certes encore en nombre encore modeste mais avec une claire volonté de s’implanter économiquement et de faire un peu soin à l’environnement. Sans romantisme aucun.

Or, non le moindre des arguments en faveur de cette option géographique un peu plus respectueuse du vivant, les initiatives foisonnent sur ce sujet, certes dans les grandes villes mais certainement de manière plus pertinente dans les ruralités. Entre collectifs d’habitation cherchant à renouer avec l’environnement et pratiques agricoles soumises au verrou énergétique (et donc chimique), entre coopérations et mutualisations de tous genres et retour du fait communautaire… les initiatives constellent les territoires, et ce sur plus de 30 % de l’espace hexagonal. Il était temps qu’un média s’en saisisse pleinement et relaye de telles alternatives pleines de joie et d’ardeur. Félicitations donc et longue vie aux Champs d’ici, avec pour ce numéro de nouveau un bel échantillon. D’un éco-quartier périphérique à des éco-lieux développant une vie autre, d’une ferme écologique et sociale à une ferme municipale alimentant des cantines bio, d’une coopérative artisanale à un habitat partagé… toutes les initiatives relayées attestent bien que la relocalisation et la petite taille sont la solution !

Guillaume Faburel – Rédacteur en chef invité

Guillaume Faburel est Pr. Université Lumière Lyon 2, UFR Temps et Territoires et Enseignant à Sciences Po Lyon, Sciences Po Rennes et Paris 1Chercheur à l’UMR Triangle (CNRS, Ecole normale supérieure de Lyon, Universités Lyon 2 et de Saint Etienne, Sciences Po Lyon).Il est aussi Coordinateur des Etats généraux de la société écologique post-urbaine :https://www.post-urbain.org/ Et son dernier ouvrage paru : Indécence urbaine