Au GAEC les Caprins des prés, Tiffany et Jérémie Errien ont prouvé que le développement d’une filière viande caprine respectueuse du bien être animal, locale et durable est également rentable au plan économique.

Depuis 2018, Stéphanie et Jérémie Errien ont opté pour une valorisation de toutes les bêtes qui naissent dans leur exploitation.

Depuis 2018, Stéphanie et Jérémie Errien ont opté pour une valorisation de toutes les bêtes qui naissent dans leur exploitation. Crédit Jean-Pierre Chafes.

Quand Tiffany Errien et son mari Jérémie, alors simple conjoint collaborateur, reprennent en septembre 2009 une exploitation de quelque 300 chèvres laitières à Faveray-Machelles en Maine-et-Loire, leur premier combat est celui de l’obtention du label bio pour leur lait. « On a commencé la conversion en janvier 2013 et on a obtenu notre première certification deux ans plus tard. Et elle a toujours été renouvelée depuis » raconte Jérémy, pour qui l’avenir des animaux nés à la ferme devient très vite la nouvelle et principale préoccupation. « Pour qu’une chèvre produise du lait, il faut en effet qu’elle ait des chevrettes ou des chevreaux qui – en dehors des femelles conservées pour le renouvellement du troupeau – partent au bout de trois jours (sept maximum) chez l’engraisseur. Nourris jusqu’à l’âge de trois semaines à un mois dans des bâtiments où ils sont plusieurs milliers, ils sont ensuite abattus et exportés »

Satisfaits ni éthiquement, ni financièrement puisque les nouveaux nés leur sont achetés « 2€ par bête, voire moins », Tiffany et Jérémie vont cependant voir de nouvelles perspectives se présenter à eux en 2017 à la suite d’un voyage d’études organisé par le CIVAM du Haut Bocage au pays basque.

Le lait maternel plutôt que le lait en poudre

 Contrairement à ce qui se fait dans l’ouest, chevrettes et chevreaux y sont en effet élevés sous les mères. Et non au lait en poudre. Un principe qui est immédiatement mis en œuvre au GAEC des Caprins des Prés. Et qui va rapidement faire des émules. « Dès les mises bas du printemps 2018, on a en effet décidé que tout ce qui ne partait pas à l’engraisseur serait élevé sous la mère. On a été les premiers à faire ça, avec deux autres collègues. Aujourd’hui la plupart des éleveurs de la région s’y sont mis ». Mais sans pour autant que cela satisfasse pleinement Jérémie convaincu que la viande de cabri doit également être valorisée. C’est à dire d’animaux plus âgés que ceux qui sont commercialisés par les engraisseurs. Et c’est une nouvelle fois grâce au Civam que cette deuxième étape va être franchie. « Il nous a en effet été demandé de fournir trois cabris pour le Goatober organisé à Laval en octobre 2018 dans le cadre du projet Food heroes. Ça a lancé la machine puisque tout en continuant de vendre à l’engraisseur, on a gardé de plus en plus de cabris. Six en 2019. Toujours pour le Goatober. Puis 15 en 2020 qu’on a commercialisés directement ».

Jusqu’à sept semaines à la ferme

En cinq ans, les Caprins des Prés sont finalement passés de zéro chevreau valorisé à 100%. Avec toutefois un nouvel objectif pour Tiffany et Jérémie. « On manque de place, mais on veut effectivement arriver à valoriser sur la ferme la totalité des 200 naissances destinées à la viande ». En 2023, 2/3 des bêtes ont en effet été encore vendues à l’âge de 6 semaines, quand elles pèsent entre 8 et 12 kilos, à Loeul-Piriot, le n°1 français de l’abattage de chevreaux. Alors que seulement une soixantaine est restée sur le domaine. « Cette année, 15 chevreaux de lait (moins de deux mois) et 45 cabris ont été élevés entièrement à la ferme. Certains jusqu’à sept mois » confirme Jérémie. « Découpés puis désossés, ils ont été commercialisés, en caissette de viande fraiche ou transformés par la conserverie « Respect

En 2023, une soixantaine de chevreaux ont été élevés à la ferme, parfois jusqu’à l’âge de 7 mois au lieu de les vendre à un engraisseur trois jours après leur naissance

En 2023, une soixantaine de chevreaux ont été élevés à la ferme, parfois jusqu’à l’âge de 7 mois au lieu de les vendre à un engraisseur trois jours après leur naissance. Crédit Jean-Pierre Chafes.

Gourmand » en rillettes et plats cuisinés qu’on peut trouver à la ferme bien sûr, au marché de Vihiers où on est présent une fois par mois ou encore sur les quelques marchés de noël qu’on fait en fin d’année. Mais ils sont également de plus en plus distribués dans des épiceries ».

Et une économie devenue désormais vertueuse

Une dimension économique qui n’est pas sans importance pour celui qui est devenu président de la Fédération nationale Cabri d’Ici. « Si notre démarche visant à développer une filière viande caprine alternative respectueuse du bien-être animal, locale et durable est en effet avant tout éthique, il faut – si on veut convaincre de nouveaux collègues – que cela soit aussi valable économiquement. Actuellement, les animaux valorisés entièrement à notre ferme rapportent 140€ sous forme de viande. Et jusqu’à 185€ lorsqu’ils sont transformés en rillettes. La marge est réduite de 50% si la commercialisation se fait en épicerie. Même les chevreaux qu’on vend à Loeul-Piriot nous rapporte 7 à 10 fois plus que les 2€ par bête que nous donnait l’engraisseur quand il récupérait nos chevreaux au bout de trois jours »  Et si aujourd’hui la viande représente 5% du chiffre d’affaire du GAEC, Jérémie et Tiffany ne doutent pas que ce pourcentage va rapidement augmenter dans les années à venir.