Questions à Guillaume Faburel, coordinateur des états généraux du post urbain – AN III

Guillaume Faburel est géographe, et l’expérience avançant, il s’est engagé plus avant dans ce qu’il appelle l’écologie du post-urbain. Les liaisons dangereuses entre ville et campagne l’animent autant que de déconstruire ce que la métropole inflige aux territoires depuis la révolution, tout en scrutant la lueur au bout du tunnel des utopies qui bousculent les lignes des bien-pensances.

Il organise ainsi au coeur de la Bretagne à Ploërdut, les 14/15/16 juin les 3ème Etats Généraux du Post-Urbain avec pour thème: « Les joies de l’autonomie et de ses communs » avec une foule de compagnons et compagnonnes venu-es penser et débattre durant ces 3 jours et sans doute - ironiquement ces derniers temps - repenser un modèle de société en finitude. En compagnie du parrain des Champs d’Ici, scrutons l’objet de ces rencontres.

Quel est le but de ces 3èmes rencontres du post-urbain dans une actualité si douloureuse? La troisième voie serait de s’échapper de la métropole pour ne plus subir, reprendre son destin en main?

L‘un des objectifs premiers c’est de sortir avec un programme d’action, donc de faire une proposition d’une quarantaine d’initiatives ou d’actions qu’on aimerait défendre, donc toutes les tables rondes seront mobilisées à proposer pour élaborer un programme d’action écologique et sociale, à court, moyen et long terme, visant à accoucher d’une géographie qui soit réellement post-urbaine. Donc l’idée de passer à l’acte est indéniablement dans la vie du mouvement, qui en est à quatre ans d’existence. Il y a un saut qui s’opère, un changement, je ne sais pas si c’est d’échelle, mais en tout cas il y a une petite bifurcation de ce côté-là.

Il faut dire que l’état du débat général n’est pas étalonné sur la réalité matérielle de l’écologie, et des initiatives qui peuvent accoucher de cette réalité. On assiste même à une reculade, en imaginant plus du tout l’espace comme un terrain de jeu, dans lequel l’homme ou l’humain se met en scène, mais comme une appropriation. Donc du coup c’est très bizarre, aujourd’hui on sent bien que la tension autour du foncier par exemple, amène les gens à justement se remettre en jeu en disant, moi je suis de telle case, moi je suis de telle case. Ça c’est dangereux.

Oui, vous pensez qu’en opposant toujours agriculture et écologie, on perpétue le fossé ville-campagne et donc élite versus peuple?

 C’est vraiment une question de positionnement politique. Et c’est ainsi qu’on ne se saisit pas de la question des terroirs. Et ça, c’est très embêtant parce que justement les courants traditionnels politiques ont instrumentalisé l’idée de mettre l’écologie contre l’agriculture en utilisant l’un contre l’autre. Les conservatismes se nourrissent de ça aussi. Et là, c’est très à la mode en ce moment, d’ailleurs.

« Nous, on s’est construits dans l’idée qu’il va falloir quand même décoloniser et déconstruire la même manière de voir le monde et de se comporter avec le monde, et dans le monde. »

Donc, à un moment donné, débrancher un peu des grands accélérateurs à particules que constituent les métropoles. Et je pense que c’est ça qui heurte. Évidemment, c’est toujours intéressant de voir à quel point une pensée dissonante peut être écoutée.
Et ça ne remonte pas à moi, parce que j’emprunte beaucoup à des auteurs des années 60-70.

Moi, je m’inspirais énormément de Lanoue et de quelques autres comme ça, mais aussi de la sociologie, de l’histoire, de l’anthropologie.
Enfin, il y a à la fois des têtes de gondole et aussi des petites mains qui ont travaillé à proposer des alternatives. Et ils étaient déjà sur la désurbanisation. Et le réempaysannement. Je renoue juste avec cette tradition-là, mais avec les 50 ans qui se sont écoulés entre-temps. Et je ne suis pas le seul.

Ainsi, vous souhaitez agréger dans ce mouvement une biodiversité de paroles et d’actrices et d’acteurs autour des nouveaux modèles de vie en dehors des centres de décisions métropolitains?

 Peut-être effectivement que j’ai un discours utopiste, mais à cette tentation-là, je trouve que c’est bien heureux de nous trouver avec des gens qui veulent partager ces nouvelles formes de vie, qui proposent des solutions. En tous les cas, vous n’êtes pas que sur un constat alarmiste et alarmé de « c’est la fin de la métropole », parce que ça en fait je pense qu’en creux, tous et toutes peuvent l’entendre, mais c’est le modèle, ce sont les pistes de sortie qui paraissent un peu bizarres, et-ou utopiques pour la plupart d’entre elles, c’est toujours l’histoire de la chandelle, s’éclairer à la chandelle ça ne va pas être possible.

« Ce n’est ni identitaire, ni que merveilleux, c’est à un moment donné la subsistance. »

Alors je disais que ça peut paraître naïf, mais vraiment, quand on voit l’éclosion à des échelles géographiques qui sont maintenant signifiantes, du régional, des pays géographiques, en tout cas qui renouent avec les cultures de terroir, on se dit que les débats parisiens ou métropolitains qui visent à opposer et à se voir immédiatement affubler du terme identitaire ou conservateur sont totalement décorrélés.

 Vous préparez activement donc le monde d’après – d’après la stupéfaction Covid -?

 Un confinement, ce n’était pas arrivé depuis quelques décennies. C’est l’entrée dans le XXIe siècle. De toute façon, les années 2005, 2010, 2015 étaient encore dans la veine croissanciste des années 80-90. Du coup, ce moment-là de sidération collective c’est un moment très singulier.

Il y a eu, en plus du moment, un bouquin que j’ai écrit  où j’en appelais la création d’États généraux de sociétés écologiques post-urbaines, et surtout un soutien à la Fondation d’écologie politique, et je me suis dit:  « Bon, on tente, on y va ».

 En proposant et en voyant concrètement quelles seraient les alternatives signifiantes, à quelles conditions de réalisation, et c’est là où le partage urbain-rural nous semble absolument à questionner, parce qu’on ne va pas pouvoir continuer à vivre comme des urbains à la campagne, il y a bien des choses à revisiter, donc proposons, voyons concrètement quelles sont les formes alternatives par les formes de vie, par l’ordinaire des conduites, par des modèles économiques, par l’accès aux ressources, leur régénération et leur reproduction.

Il y a tout un débat qu’on a, non pas lancé, mais dans lequel on s’est inséré, auquel on s’est greffé, assez modeste, et arrivé au bout de 3 ans, le mouvement s’est aussi nourri de la greffe des organisations qui nous ont progressivement rejoints.

 Et du coup, là, récemment, on a la Confédération nationale des foyers ruraux récemment, la coopérative Oasis, l’Institut Tramail, dans un tout autre registre qui vient d’arriver, qui se forme à la ruralité, on se nourrit aussi des nouveaux arrivants, et de leur propre dynamique. Le programme d’action va devoir être proposé, il ne sera pas figé, exhaustif, finalisé, mais au moins, on pourra en sortir des prédictions, des recommandations, des interpellations, enfin, je ne sais pas, un truc en lion;)

« Les ruralités, ça a déjà commencé en termes de désirabilité de vie, mais en termes de ressources de subsistance, ça va devenir les dos-à -dos, soyons clairs. »

Donc pour éviter que ça débranche tous azimuts et que ce soit les mieux dotés qui rouvrent leurs résidences secondaires, effectivement c’est dans ces espaces-là qu’il nous faut maintenant regarder un peu différemment, et en décolonisant nos enfants un peu métropolitains.

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